Love at first light, Sara Lorusso. For Boys by Girls Magazine

Sara Lorusso ou la tendresse queer

Cette lumière qui effleure ces peaux duveteuses s’insinue dans nos rétines pour y imprimer l’image délicate d’amours adolescents. Gracile et joueur, le chatoiement des images de Sara Lorusso force l’arrêt sur image. On se retrouve là, pantois·e,  à regarder ces instants où le temps s’est suspendu, captif dans les bras de ces étreintes affectueuses.

Et c’est justement ce qu’attrape en plein vol Sara Lorusso : l’innocence et la douceur des premières découvertes.

Découvertes de son propre corps mais aussi de celui de la personne en face. Les peaux se touchent et se rencontrent dans une atmosphère sensible à fleur de peau. Témoignages de jeunes amours queer, ces photos deviennent surtout une ode aux corps dénudés, aux doigts qui s’entremêlent et aux langues qui s’effleurent. Que ce soit Guido et Gianmarco de sa série Love at First Light ou encore les protagonistes de Love is Love, leur intimité voluptueuse se remplit de douceur et de tendresse. 

Guido and Gianmarco, Love at first light for Boys by Girls Magazine, ©Sara Lorusso
Love is love, ©Sara Lorusso

Ces rires impromptus, cet éclat dans les yeux, ces mains qui se cherchent, pour Sara Lorusso, il est évident que lorsque l’on tombe amoureux·euse, ce n’est pas d’un genre, homme ou femme, mais bien d’une personne.

Ainsi, cette série Love is Love décortique les mythes de l’amour dans lesquels on baigne depuis tout·e petit·e. L’histoire du prince charmant et de la princesse magnifique et passive se brise contre la réalité de ces photographies, contre la passion de ces couples qui sortent de l’hétéronormativité. Le conte idéal ne se compose pas seulement d’un prince, un homme, un vrai, fort et viril ; et d’une princesse, une vraie femme belle et féminine, mais bien d’une infinité de possibilités qui se déploient pleinement lorsque l’on sort de ces stéréotypes genrés et hétérosexistes. Puisqu’à  l’adolescence on a l’impression que l’amour devient le but ultime, chacun·e part à sa recherche avec empressement et avidité.  Mais lorsque la personne pour qui l’on s’éprend est du même genre que nous et/ou ne se conforme pas aux stéréotypes rigides du genre, comment rentrer dans ces cases que l’on avait construit pour nous depuis l’enfance ? Love is love comme elle le capture si bien.

Love is Love, ©Sara Lorusso

Ainsi, nombreux sont les projets de Sara Lorusso qui explorent les questions de genre et de sexualités.

Que ce soit la découverte de son propre corps et de ses désirs qui tiraillent, ou le grisement des tâtonnements passionnels ;  ses photographies deviennent le miroir des sexplorations de la vingtaine.

Dans About Sexuality, le corps se cache et pourtant se dévoile par de subtiles métaphores organiques.

Papaye, épi de maïs ou encore pamplemousse, l’artiste détourne les organes sexuels pour y parsemer subtilité et second degré. Tout comme sa série Period – 28 days, la photographe paraît retranscrire son quotidien et le rapport qu’elle entretient avec son corps. Pensé comme un journal intime, on pourrait penser que ces deux séries sont à l’inverse de cela ; puisque l’intime est justement montré, exhibé. Car, c’est en dévoilant ce qui est habituellement caché et tabou, grâce à une lumière chaleureuse et enveloppante, que Sara Lorusso parvient à montrer ce que chacun·e peut vivre. Le quotidien rempli de fantasmes, d’envies et de découvertes de soi s’ouvre sur une appréciation esthétique qui permet de faire exploser les tabous autour du corps sexualisé mais surtout du corps féminin.

©Sara Lorusso, Period – 28 days
©Sara Lorusso, Period – 28 days
©Sara Lorusso, About Sexuality
©Sara Lorusso, About Sexuality

Le travail de la jeune photographie s’inscrit donc dans la poursuite d’une remise en question des stéréotypes de genre. Non avec violence et explosion mais avec tendresse, ces photos nous confrontent et nous incitent à imaginer la myriade de possibles qui s’offre à nous lorsque l’on sort des normes genrées quant à la sexualité, l’amour et à son propre corps.  Ses photographies deviennent un recueil à l’amour non hétéronormé, à l’encontre de celui qu’on nous assène depuis l’enfance à coup de contes, de sexisme et d’homophobie. L’intime retourne sa veste et se montre, s’exhibe dans ces complicités remplies de tendresse. Cet instant entre enfance et âge adulte devient le lieu de la sensibilité exacerbée, où les regards révèlent plus que les mots, où la peau dévoile le frémissement de l’instant.

Love at first light, Guido and Giacomo, ©Sara Lorusso
Shadow Banning, for Jugular Magazine, ©Sara Lorusso

On se retrouve là, devant ces photos, à se demander où la jeunesse s’en va si vite.  Car cette dernière court à toute allure devant nous, se retournant parfois pour nous tendre la main dans cette course à l’allure folle.  Pourtant on ne semble jamais parvenir à l’attraper. On la laisse filer du bout des doigts, gardant simplement au fond de nous l’odeur des corps entremêlés. Sara Lorrusso capture ce temps qui s’effiloche au creux des corps, nous exhibant la douceur des instants, la sensibilité des peaux nues.

Son dernier projet en date, Shadow Banning questionne justement ce que cela signifie d’être nu·e, à l’ère des réseaux sociaux et de la censure.

Le téton d’une femme est-il si différent de celui d’un homme ? La question prête à sourire, pourtant la censure est bien tangible lorsque des tétons féminins sont visibles sur une photographie. Ici, derrière le Plexiglas, se lisent en transparence les corps dénudés, les aspérités de la vitre se mêlant au grain de la peau. L’artiste, grâce à ce mécanisme qui cache, un peu mais pas tant que cela, montre que, parfois, dissimuler revient surtout à dévoiler. La mise au point ne peut se faire à cause de ce grain de vitre épais, le corps se brouille derrière une sorte de brume épaisse. C’est la même qui embrume l’esprit sous une douche chaude, celle qui fait que le corps semble se mouvoir avec lenteur, celle qui fait éclater les formes en de multiples points vaporeux.

Shadow Banning, for Jugular Magazine, ©Sara Lorusso
Shadow Banning, for Jugular Magazine, ©Sara Lorusso
Emma

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