
Sophie Dherbecourt fait partie de ces jeunes artistes avec un style bien marqué. Un style qui captive, qui attire et qui apaise. Cela vient sans doute de ses études de graphiste, et de son ancien métier de directrice artistique. Mais maintenant, l’imagination se fait plus libre, créant un univers mélancolique et contemplatif.
Les corps se dénudent, et c’est la sérénité qui émane de ces tonalités chairs entremêlées. Roses pales, oranges ocrés ou bleus lilas, l’atmosphère est douce, presque flegmatique. Femmes ou hommes, le délassement est présent, frontalement et bien en vu. Ces corps qui s’entrecroisent deviennent un savant mélange entre les arts décoratifs, les dessins de Matisse, le style pictural de Tamara Lempicka et des personnages néo-classiques. Influences non négligeables, Sophie Dherbecourt apporte néanmoins la petite touche qui captive, marque l’arrêt devant ses toiles et nous absorbe entièrement. Ces corps aux volutes antiques, nous touchent, et nous effleurent par leur sensibilité apaisée.
Sophie Dherbecourt, L’Aurore, 90 x 116cm, huile sur toile, 2019 Sophie Dherbecourt, “Boys don’t cry”, 86 x 116cm, huile sur toile, 2019
Les poses s’imbriquent, les genres – féminins et masculins – s’effacent. Ces corps deviennent nus, tout simplement. Mais c’est surtout la virilité masculine et les images qu’elle convoque, qui disparaissent. Boys don’t cry devient un rappel taquin à la chanson de The Cure et aux injonctions genrées sociétales, mais surtout, une peinture qui montre tout le contraire. Têtes inclinées, yeux fermés ou mi-clos, ces personnages se dévoilent sans masque, dans toute leur vulnérabilité. Seul le fond se fait plus sombre pour marquer une petite distinction avec les toiles où se mélangent les corps féminins. Les peaux se touchent, les êtres fusionnent. La référence à l’Antiquité grecque ne pourrait être plus directe grâce à l’amphore remplie de blé dans le fond.
Et pourtant, dans certaines de ses toiles, l’époque contemporaine s’infiltre par fragments : une chaussure Nike par-ci, un smartphone par là. Sophie Dherbecourt ne pioche pas dans l’Antiquité pour simplement la rejouer, elle pose des questions sur notre époque, avec ces personnages doux et alanguis. Les lumières et les formes deviennent réinterprétation d’une émotion, et non plus une simple retranscription du réel. Et c’est justement là, la force de l’artiste. Elle nous amène dans un univers néoclassique où les figures mythiques qui se présentent à nous, sont celles puisées dans le quotidien.

Sophie Dherbecourt, dessin. Sophie Dherbecourt, dessin.
Sous l’apaisement, la question féministe. Les corps se déconstruisent, les lignes deviennent anguleuses, la taille longiligne, mais l’ensemble garde des proportions réelles. Mais la quiétude de l’atmosphère n’atténue pas ce qui se joue sous les présupposés délicats induits par les couleurs, la touche, les motifs. Loin des images maternantes ou d’épouses, les figures féminines deviennent franches et solides dans leur lascivité. Sophie Dherbecourt peuple notre regard de nouvelles figures féminines qui, en jouant avec certains codes de la féminité, deviennent des symboles de sororité. Ces femmes aux poses sensuelles, s’éloignent néanmoins du male gaze (( le male gaze, littéralement “regard masculin” a été théorisé par la critique de cinéma Laura Mulvey, “Visual Pleasure and Narrative cinema” en 1975. Pour expliquer rapidement, il s’agit du fait que la culture dominante imposerait au public d’adopter une perspective d’homme hétérosexuel. Il y a une relation de pouvoir asymétrique entre les regards : celui de la femme regardée et celui de l’homme qui regarde. Le corps féminin est filmé, mis en scène, que ce soit au cinéma, dans les arts, les publicités, de telle manière à ce que cela réponde au plaisir masculin hétérosexuel. )). C’est leur regard qui change tout, lointain mais complice, il devient l’expression de la bienveillance qui se joue entre les protagonistes. Mis sur un pied d’égalité par le traitement, hommes et femmes s’entrelacent dans leur mise à nu.
Sophie Dherbecourt, “Garçons des Riads”, 93x 130cm, huile sur toile, 2019 Sophie Dherbecourt, “New Women”, 162x130cm, huile sur toile, 2020

Sous la couleur et le pinceau se cachent indubitablement les influences de ses études de design graphique, de son ancien métier. Lignes épurées, esthétisme lumineux et coloré, les toiles de Sophie Dherbecourt percutent notre regard par leur simplicité. La sobriété se mêle à la rigueur, aux graphismes de ces corps qui se déconstruisent, qui deviennent des formes géométriques. Compositions souvent en triangles, la délicatesse cotoie l’élévation et la stabilité. Cubes, cylindres et lignes se recoupent pour former un ensemble aux reflets métallisés. L’architecture entre-ouverte derrière devient le repoussoir du paysage que représentent ces corps nus.

Ces femmes mélancoliques et puissantes ondoient sous le pinceau poétique de l’artiste. Sophie Dherbecourt s’est d’ailleurs associée avec Morgane Ortin, créatrice du compte instagram Amours Solitaires afin de créer une tombola solidaire pour La Fondation des Femmes. La première a peint une toile pour répondre au poème de la deuxième, célébrant “les puissances féminines”.
Pendant le confinement, les signalements de violences conjugales ont augmenté de plus de 30% ((chiffres publiés sur la page instagram de La Fondation des Femmes )). Ces violences ne s’arrêtent pas à la fin du confinement. Cette tombola solidaire a pour but d’aider la fondation dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Ainsi, le ticket est au prix unitaire de 5€, et il est bien évidemment possible d’acheter plusieurs tickets pour augmenter ses chances. Le tirage au sort aura lieu le 26 mai, pour connaître le·la gagnant·e qui remportera ce poème et cette toile. Pour participer, le lien est juste ICI.
Poème de Morgane Ortin Sophie Dherbecourt, 80×100 cm, huile sur toile, 2020. L’artiste avec sa toile
Oeuvres faites pour la tombola solidaire pour La Fondation des Femmes
Pour la suivre :
Son instagram : @sophiedherbecourt
Son site : www.sophiedherbecourt.com
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