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Matheus Ferrero, ©Unsplash

“Tu seras un homme mon fils”

Pourquoi dans l’imaginaire commun un fils s’occupe-t-il moins bien de sa mère vieillissante ?

Oh, ça doit être dur pour une femme, à 86 ans, d’avoir seulement deux fils pour prendre soin de soi ! 

Ces propos échangés autour d’une tasse de thé matinale ont eu le mérite de réveiller instantanément mon cerveau encore endormi. Prononcés innocemment à propos de certains problèmes familiaux, ils sont pourtant le reflet d’un inconscient collectif qui réfléchit (encore et toujours) par des rôles de genre. 

Non, ce n’est pas le fait d’avoir deux fils qui soit le problème ; c’est le fait qu’ils aient été élevés en adéquation avec ce que l’on attend des garçons. 

Les clichés sont réducteurs, destructeurs et enferment chacun·e dans un rôle attendu, dans des normes à respecter. Aux femmes : la douceur, la gentillesse, les tâches ménagères, le soin (des enfants, du mari, des parents vieillissants). Aux hommes : le travail (et l’argent qu’ils en ramène), la force, le courage, la bière et les pieds sur le canapé. 

Partant de cela, il est normal de considérer qu’avoir deux garçons d’une soixantaine d’années pour s’occuper de leur mère de plus de 85 ans est compliqué. Une fille, deux filles mêmes, auraient bien mieux pris soin d’elle, auraient été plus attentives, plus tendres, plus alertes sur ses besoins. Bien sûr, on peut penser que c’est une autre génération, plus ancienne, où les rôles de genre sont bien plus marqués qu’aujourd’hui.  Pourtant penser cela montre bien qu’il reste encore du chemin à faire. 

Pourquoi est-ce que l’on pense qu’avoir deux filles pour s’occuper de leur mère âgée aurait été plus facile ? 

 

  • Ayant l’instinct maternel, bienveillant et attentif, elles auraient tout mis en oeuvre pour assouvir les besoins de leur mère vieillissante. 

 

  • C’est bien connu, les femmes naissent avec la capacité de penser à tout, d’anticiper sur n’importe quel besoin qui pourrait survenir – de l’envie de fraises au mois de Décembre au rachat de papier toilette parce qu’il ne reste plus que quinze rouleaux, leur cerveau féminin étant capable de tout planifier avec trois mois d’avance. Cela s’appelle la charge mentale (vous pouvez trouver une théorisation de ce concept par la bédéiste Emma juste ici ).

 

  • Les femmes écoutent (et non entendent) mais surtout savent parler. Entre femmes la discussion pourra être aisée, que ce soit du papotage aux sentiments, avoir des ovaires et une paire de seins permet indubitablement d’être intéressées par les mêmes sujets. 

Penser qu’avoir deux fils qui s’occupent de leur mère vieillissante comme étant quelque chose de compliqué montre bien comment la société conditionne la parole et le soin à autrui comme étant féminin.

Il ne s’agit en aucun cas de blâmer cette pensée ou de tout généraliser mais bien de prendre conscience de l’importance des mots et ce qu’ils reflètent. Croire qu’une paire de couilles et un pénis empêchent de prendre soin et de discuter en profondeur avec sa mère âgée avec la même attention que ce que pourrait prodiguer une fille, c’est oublier le genre – qui est la construction des rapports sociaux de sexe –  et considérer simplement le sexe biologique comme élément essentiel.

A moins d’être un masculiniste assumé qui va suivre les cours de Julien Rochedy, pour apprendre à être un homme, un vrai ;  peu de personnes clament haut et fort donner une éducation sexiste à leur progéniture, et pourtant le résultat qui découle de cette éducation genrée l’est incontestablement.  

Cela se met en place dès l’annonce du sexe du bébé puisque fille ou garçon, les attentes ne sont déjà pas les mêmes dès que cela est dévoilé. Entreposée dans une chambre rose de princesse, la petite fille développera douceur, calme et instinct maternel à force de jouer avec ses innombrables poupées à dorloter. Le petit garçon lui, dans sa chambre bleu, sera aventurier, actif et n’aura que faire de choyer une poupée ou autrui si l’on veut qu’il réponde aux injonctions patriarcales de la masculinité hégémonique – celle valorisée et qui fait qu’il sera un “vrai” homme. 

L’exagération et la généralisation ici ne sont utilisées qu’à seule fin de faire comprendre que ces réactions et ces pensées genrées sont le fruit de socialisations et ne sont en aucun cas biologiques. Envisager qu’une fille prendrait mieux soin de sa mère qui vieillit c’est penser qu’à chacun des sexes de l’enfant, certaines capacités et qualités sont attribuées. 

Ici, dans ce cas précis,  ces deux fils n’ont jamais été éduqués dans l’optique de partager les tâches ménagères, d’apprendre à cuisiner ou de connaître l’emplacement des carnets de santé des enfants. Les générations ont changé, bien sûr, mais il faut prendre conscience que l’inconscient collectif ne se nourrit pas seulement de fantômes inexistants et que les traces du passé se retrouvent dans le présent.  

C’est par l’éducation des petits garçons que les mentalités changeront, que le sexisme se brisera petit à petit et que les stéréotypes de genre deviendront de moins en moins nets et séparatistes. Les hommes peuvent parler de leurs sentiments, les femmes peuvent ne pas avoir l’instinct maternel. 

Emma

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