Jared Subia, ©Unplash, Princess, crown

Jared Subia, ©Unplash

Pourquoi je ne suis plus ta “princesse”.

“T’es belle ma princesse.”

Mon mec adore m’appeler “ma princesse” et que ce soit “je t’aime ma princesse” ou “tu me manques ma princesse”, je l’entends à toutes les sauces. Vous pouvez penser que ça dégouline de mièvrerie et/ou que ça empeste les balbutiements passionnels, mais au début je trouvais ça mignon comme surnom. Et à défaut de le penser comme étant simplement la preuve de son amour, pendant longtemps ça n’a pas fait *tilt* dans ma tête que c’était embêtant qu’il m’appelle comme ça. Ben oui, à force de voir des princesses en robe rose dès ma plus tendre enfance, j’ai fini par croire que le but ultime de ma vie était de porter mes cheveux blonds jusqu’aux fesses, d’avoir une couronne en argent et d’attendre LE prince charmant qui me ferait découvrir les joies d’une vie où nous vivrions heureux et aurions pleins d’enfants .

Sauf que non, je ne suis pas une princesse et je ne veux être vue comme telle. 

Encore un combat inutile d’une féministe enragée, me diriez-vous. Non, pas vraiment, puisque les mots façonnent notre conception des choses il est utile de pointer du doigt lorsqu’ils nous emprisonnent derrière certains clichés. Qu’il utilise ce mot consciemment ou non n’est pas le problème, il s’agit de prendre conscience des idées implicites, plus ou moins enfouies, qui se découvrent  lorsque l’on se penche réellement sur ce surnom.

Quelles assimilations inconscientes s’entremêlent aux mèches d’une chevelure splendide et étincelante ; quels clichés se camouflent dans la robe aux énormes froufrous ? 

Je ne veux pas être vue comme étant d’une beauté éblouissante et  inaccessible en haut de ma tour d’argent. Je ne veux pas que l’on me voie comme attendant qu’on me libère de ma propre dépendance. Je ne veux pas que l’on me pense comme étant passive dans ma quête de bonheur. Je ne veux pas recevoir un baiser qui me réveillera pour me plonger dans l’épanouissement le plus total. Je ne suis pas délicate au point de sentir un petit pois sous de nombreux matelas ou de devoir brosser mes cheveux sans fin à chaque minute qui passe. Je ne suis pas douce et pâle et je n’embrasse certainement pas tous les crapauds afin de trouver ce sacré prince charmant – celui qui fera de moi une personne (ou devrais-je dire une princesse) à part entière.

Je ne veux surtout pas que l’on pense que je suis incomplète sans ce prince indispensable.  

Car c’est bien ce qu’il se cache, plus ou moins bien, sous ce surnom aux apparences innocentes. Bien sûr ces rapprochements ne se font pas automatiquement et c’est bien là que le bat blesse : ce petit qualificatif affectueux nourrit l’inconscient collectif quant aux stéréotypes de genre et renforce le système patriarcal.  Appeler mon mec “mon prince” n’a indubitablement pas les mêmes connotations et je suis sûre que c’est moins répandu. A la passivité de la princesse s’opposent le courage et la force du prince pour la secourir. Vaillance et virilité sont nécessaires pour arriver jusqu’à elle,  qui devient alors sa récompense. Persévérant, dynamique, acteur de sa vie, cette figure du prince charmant n’est que le contraire de celle de son pendant féminin rempli de préciosité. 

Merci, mais non merci, je n’ai pas besoin d’un prince charmant qui arriverait sur son fidèle destrier pour m’emporter loin de la misère de mon monde vers les contrées lointaines du bonheur, inaccessibles seule. J’adore me blottir dans ses bras mais je ne veux pas qu’ils deviennent les barreaux de ma prison dorée de créature fragile. J’aime le body combat et  la bière ; je suis énervée (parfois) et poilue (souvent). 

Emma

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